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Moldavie – UE : espoirs sans illusions
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Le 27 juin est décidément une date hautement symbolique pour la Moldavie : le même jour, en 1940, l’URSS demandait à la Roumanie, sous forme d’ultimatum, de lui céder deux de ses provinces, la Bessarabie et la Bucovine du Nord (les actuelles Moldavie et Galicie). Bucarest, prise dans un étau entre Moscou et Berlin, avait dû s’exécuter et, le 28 juin 1940, les troupes soviétiques franchissaient le Dniestr. Le gouvernement roumain assurait alors n’avoir d’autre choix que de se soumettre. Étonnamment, c’est aussi ce que dit l’actuel gouvernement moldave pour justifier l’intégration à l’UE. « Pas le choix » : soixante-quatorze ans plus tard, la Moldavie se sent toujours otage des rapports entre la Russie et les forces euro-atlantistes.
Car les Moldaves sont beaucoup moins « romantiques » que les Ukrainiens dans leur attitude vis-à-vis de l’Europe. Dans les villages du pays, on n’a pas oublié la Seconde Guerre mondiale, même si les anciens combattants sortent rarement leurs médailles : ils sont nombreux à s’être battus dans les deux camps. Les Moldaves se souviennent aussi de la famine de 1947 et des déportations soviétiques, mais ils évitent d’en faire un sujet de discorde avec les Russes et les Ukrainiens. Pourquoi faire des reproches à la Russie, alors que ce sont les Anglais et les Français qui n’avaient pas voulu protéger la Roumanie et que les troupes roumaines avaient quitté la Bessarabie et la Galicie sans combattre ? À la différence des Ukrainiens, les Moldaves ne ressentent pas de proximité émotionnelle avec les Russes, et ils n’ont absolument rien à leur prouver.
Les Moldaves ne cherchent pas non plus à « s’abriter en Europe pour se protéger des Russes » : l’histoire de leur pays le démontre – si la Russie y tient, elle ira bien jusque chez eux, et il n’est pas certain que l’Europe sera en mesure de s’y opposer. Enfin, à la différence des Ukrainiens, les Moldaves n’ont pas la vision d’une « Russie moyenâgeuse, retardataire, cherchant à les isoler de l’Occident civilisé ». Les Moldaves respectent la Russie, et Vladimir Poutine est depuis quelques années déjà considéré, en Moldavie, comme le leader politique le plus populaire du monde. En 2013, la cote de popularité du président russe y était de 76 %, contre 49 % et 47 %, respectivement, pour Angela Merkel et Barack Obama. Les dirigeants moldaves arrivaient loin derrière.
Ces préférences politiques montrent bien que, pour les Moldaves, leur pays est un otage dans les jeux des puissances extérieures. Selon les derniers sondages, 65 % des Moldaves sont certains que, si l’UE abolit effectivement les visas avec leur pays, ce sera uniquement grâce à la conjoncture extérieure et non suite aux efforts de leur gouvernement. Seuls 21 % d’entre eux se disent prêts à défendre leur pays si le conflit russo-ukrainien venait à s’étendre à la Moldavie. Un chiffre qui prouve les sérieux doutes que les Moldaves éprouvent quant aux capacités réelles de leur patrie.
Hausse des humeurs anti-européennes
Si l’on demandait l’avis des Moldaves sur l’intégration de leur pays à l’UE, 44 % seraient pour et 37 % contre. Les statistiques révèlent en outre que la part des opposants à l’intégration européenne augmente progressivement : en 2010, ils n’étaient que 18 % à la rejeter. Parallèlement, les partisans de l’Union douanière sont aussi en baisse : 57 % en 2010 contre 49 % en 2014. D’autres informations statistiques permettent de comprendre la hausse des humeurs anti-européennes en Moldavie. 83 % des Moldaves confient notamment ne pas avoir visité de pays de l’UE au cours des cinq dernières années. Un Moldave sur deux affirme n’avoir pas d’intérêt particulier à une libéralisation du régime des visas avec l’UE. Parmi les 17 % de Moldaves qui se rendent régulièrement dans les pays de l’UE, la majorité vont en Roumanie (58 %) ou en Italie (51 %). Beaucoup de Moldaves ont de la famille ou du travail dans ces États voisins, certains possèdent même aussi la nationalité roumaine. De fait, les Moldaves peuvent observer de près les effets de la crise mondiale sur l’économie des membres les plus faibles, et partagent, avec de nombreux Roumains et Italiens, les humeurs anti-UE.
Ayant destitué son gouvernement communiste en 2009, la Moldavie a immédiatement attiré l’attention de nombreuses fondations européennes, qui se sont mises à investir dans le développement de son infrastructure. Ainsi, en 2010, l’autoroute entre Chisinau et Balti a été entièrement reconstruite, au grand bonheur des Moldaves. Toutefois, ces derniers ont également constaté que le chantier a été entièrement pris en charge par des entreprises européennes, sans le moindre partenariat avec les sociétés locales.
Quelle place à l’homosexualité ?
Par ailleurs, les Moldaves ne partagent pas tous le point de vue européen de l’Ouest sur la question de la sexualité et le concept de genre. Ainsi l’église orthodoxe moldave s’est-elle farouchement opposée à l’adoption d’une loi qui interdisait la discrimination envers les homosexuels. Cette loi a toutefois été votée, à la demande de l’Union européenne – et les commentateurs politiques nationaux ont dû donner des explications à la population. À les en croire, si l’UE a insisté pour que la Moldavie adopte le texte en question, c’est « afin d’éviter un afflux massif des homosexuels moldaves vers d’autres pays européens, en quête de l’asile politique ». Mais ces explications n’ont pas convaincu tout le monde : en Moldavie, dans beaucoup de villages, les paysans vont encore à confesse, assistent à la messe pascale et, avant la visite du prêtre, s’empressent de cacher leurs magazines glamour afin de ne pas se voir imposer une pénitence.
Dans le même temps, une partie de la population moldave (41 %) espère que l’intégration à l’UE améliorera leur situation et contribuera à l’augmentation de leur niveau de vie : la Moldavie est en effet depuis plusieurs années consécutives le pays le plus pauvre d’Europe. Toutefois, 29 % des Moldaves pensent qu’à l’inverse, cette situation se dégradera d’autant plus, quand 19 % estiment que rien ne changera.
Pour autant, la Moldavie s’est nettement engagée sur la voie européenne et n’a pas l’intention d’en sortir. La popularité du parti communiste, principal porte-parole des humeurs anti-européennes, est en berne. Ne lui restent fidèles que les personnes âgées et les minorités ethniques. Les Moldaves ne veulent pas renoncer à l’Europe tout simplement parce qu’ils sont européens et parce qu’ils s’inquiètent de l’avenir de leurs enfants. Pour illustrer ce « choix européen » de la Moldavie, on peut évoquer l’histoire d’un villageois du pays. L’homme a émigré en Italie dans les années 1990, y a trouvé du travail dans une entreprise de construction et s’est parfaitement intégré à la société locale. Il a bénéficié d’un crédit à des conditions avantageuses et pu s’acheter une maison. Il a fait venir sa femme et ses filles qui, par la suite, ont épousé des Italiens et sont parties vivre ailleurs. Puis, à l’âge de la retraite, le couple a vendu sa maison et est rentré en Moldavie. Les histoires comme celle-ci sont très fréquentes dans la campagne moldave. La Moldavie a déjà fait des racines en Europe, et le pas en plus que constitue l’accord d’association ne fait que renforcer cette réalité.
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