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Les patriarches Grégoire III Laham (melkite) et Nerses Bedros XIX Tarmouni (arménien) et Mgr Sviatoslav Shevchuk (archevêque majeur de Kiev et de Galicie des ukrainiens) lors de la messe d’ouverture de l’Année de la Foi, le 11 octobre 2012 sur la place Saint-Pierre. / Giancarlo GIULIANI/CPP/CIRIC
Confronté à « un exode de masse », il existe un réel danger « de voir le christianisme disparaître dans certaines régions ». Une fois n’est pas coutume, ce constat n’émane pas d’un spécialiste de l’Orient chrétien mais d’une ministre britannique, qui plus est musulmane.
Dans un long réquisitoire contre les « persécutions » et les « punitions collectives » infligées aux chrétiens en Syrie, en Iran ou au Pakistan, Sayeeda Warsi, chargée des religions au sein du gouvernement britannique, et numéro deux des affaires étrangères, a formulé ce constat la semaine dernière devant l’Université Georgetown à Washington : « Guerres civiles, troubles sociaux, transition politique ou encore terrorisme » contribuent à fragiliser les chrétiens dans ces pays où la foi est trop souvent utilisée « en appui » des divisions, a-t-elle argumenté, en référence aux courants islamistes en plein essor au Proche-Orient.
Assez naturellement, ce thème de l’émigration des chrétiens imprègne la rencontre organisée cette semaine à Rome avec tous les responsables des Églises orientales catholiques, patriarches et archevêques majeurs en tête, similaire à celle qui s’était tenue en 2009 autour de Benoît XVI.
Préserver leur identité en diaspora
« Chaque jour, deux ou trois familles quittent le pays, alertait il y a quelques jours le patriarche chaldéen Louis-Raphaël Sako, sur les ondes de Radio Vatican. Cela signifie que des ambassades étrangères leur donnent des visas. Dans toutes les paroisses, des gens viennent demander des certificats de baptême pour pouvoir partir. Ceux qui sont menacés ont, bien sûr, le droit de se réfugier à l’étranger mais d’autres quittent des régions sûres, dans le Nord de l’Irak parce qu’ils ont peur de l’avenir, de l’instabilité ». Or, leur présence est « vitale » pour l’équilibre du pays, souligne ce primat qui redoute de voir le Moyen-Orient « se vider » de ses chrétiens.
À la tête de l’Église melkite, affaiblie, elle, par l’embrasement de la Syrie, le patriarche Grégoire III Lahham partage cette analyse. Selon lui, 450 000 chrétiens syriens auraient déjà été déplacés par le conflit, dont plus de 40 000 au Liban. Cet exode a pris de telles proportions qu’il risque d’éclipser d’autres sujets forts pour ces Églises, notamment politiques – le cardinal Leonardo Sandri, préfet de la Congrégation pour les Églises orientales, préside ce matin une messe pour la paix et la réconciliation en Terre Sainte, Syrie, Irak, Égypte – mais aussi pastoraux – c’est par une séance plénière consacrée à l’héritage de Vatican II dans les Églises orientales, en particulier en matière de formation et de liturgie, que s’est ouverte, mardi, la rencontre.
Mais pour beaucoup, les priorités sont ailleurs : un responsable du Patriarcat copte-catholique reconnaît que sa communauté est davantage préoccupée par la « nécessité d’établir de nouvelles paroisses à l’étranger », soucieuse de préserver l’identité copte et égyptienne parmi la diaspora.
Oecuménisme et dialogue interreligieux
Confrontées à des lendemains incertains, ces Églises éprouvées subissent le poids de l’incertitude. « S’agissant de l’avenir de la Syrie, nous ne sommes pas prophètes », témoigne Mgr Maroun Lahham, vicaire patriarcal latin en Jordanie, dont l’Église ne cesse de venir en aide aux réfugiés. « Les vraies décisions, elles, se prennent à Washington et à Moscou, pas à Damas », déplore l’évêque.
Au fond, pour ces Églises, l’enjeu de cette rencontre réside dans une vision commune de leur avenir, même si leurs situations sont loin d’être interchangeables. « L’urgence, c’est la question syrienne, et à travers elle la présence chrétienne au Moyen-Orient », confirme le P. Fadi Daou, chargé de l’œcuménisme et du dialogue interreligieux dans l’Église maronite. « Nous n’attendons pas des solutions toutes faites de la part du Vatican. L’intérêt, c’est aussi que le pape entende d’une manière directe la voix des pasteurs. Ce dialogue peut aboutir à une meilleure connaissance de nos difficultés et à un plus grand soutien en faveur de la présence chrétienne ».
Ce futur, le patriarche Sako le soumet à deux conditions. En premier lieu, une plus grande unité entre catholiques et orthodoxes, liés par un destin commun : « Je fais assumer à tout le monde la responsabilité de la réalisation de cette unité, notamment aux patriarches d’Orient », déclarait-il en septembre, après avoir proposé au primat de l’Église assyrienne d’Orient de conduire ces Églises sœurs vers la pleine communion.
Seconde urgence : renforcer l’unité islamo-chrétienne pour contrer l’intégrisme. « Les condamnations et les protestations ne suffisent plus. Il faut faire en sorte que les chrétiens puissent rester sur cette terre dont ils sont originaires ». Et agir vite, « car le volcan risque d’entraîner tout dans son éruption. »
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