Pochette de l'album de Carlos Nuñez, Discover.
Pochette de l’album de Carlos Nuñez, “Discover”. | DR

Il serait presque gracile, sautillant, pimpant en façade, s’il ne portait dans le regard les traces d’un sérieux historique. Le Galicien Carlos Nuñez, joueur de flûtes et de gaïta (cornemuse), est en tournée française avec le Breton Dan Ar Braz. Il vient de publier un double CD, Discover, qui retrace son parcours depuis l’album Brotherhood of Stars paru en 1996. Les trente-neuf titres sélectionnés le mettent en scène avec ses invités discographiques, tous de marque : Ry Cooder, Luz Casal, Carmen Linares, Noa, The Chieftains, Linda Ronstadt, ou Compay Segundo qui chante ici Para vigo me voy, l’un des quatre morceaux inédits.

Né en 1972 à Vigo (Espagne), Carlos Nuñez a multiplié les rencontres transnationales, une façon efficace de garantir la cornemuse contre l’isolement communautaire. “Nous faisons une musique traditionnelle, celtique. Mais nous avons toujours suivi un processus musical expansif, cherchant les points communs plutôt que les différences”, explique-t-il.

L’album s’appelle Discover, et pourtant Carlos Nuñez n’est pas un bleu. “C’est quinze ans de travail”, résume-t-il. Quinze ans d’aventure, de précision, dans une culture souvent orale, que la transcription écrite ne suffit pas à préserver. “J’ai déjà posé cette question à mon maître, Paddy Moloney. On peut, m’a-t-il répondu, écrire les lignes basiques mais jamais les petites variations, les petites improvisations, qui ne se jouent jamais à l’identique.”

Carlos Nuñez est un enfant du Festival Interceltique de Lorient qui a adoubé Asturies et Galicie en terres celtes. Il y joue pour la première fois en 1984, à 13 ans. En 1987, il y croise Paddy Moloney, leader et souffleur des Chieftains, groupe de folk traditionnel irlandais. Les Chieftains sont à la pointe de ce qui va occuper la décennie suivante : les mélanges confraternels. Le Bagad de Quimper joue avec le Sud-Africain Johnny Clegg ; le chanteur breton Erik Marchand enregistre avec le Taraf de Caransebes roumain ; Alan Stivell se rapproche du Kabyle Idir, et l’Irlandais Sean O’Riada trouve des affinités entre les musiques anciennes de son pays et celles du nord du Maroc.

La musique galicienne a été marginalisée sous Franco dont “la politique a résumé la musique espagnole au flamenco”, selon Carlos Nuñez, qui croise le fer et la gaïta en 1999 avec Paco de Lucia, Vicente Amigo, Carmen Linares, ou Tomatito. “Défier ces injustices procure un certain plaisir.” Nuñez trouve des racines communes entre la musique galicienne, et le flamenco, l’ancien “ennemi”. Et de là, part vers Tanger, au Maroc.

Carlos Nuñez continue à créer son “monde celtique” en suivant son “intuition”, et Internet. “Merci aux moyens de communication ! Grâce à eux, aujourd’hui, nous avons une famille plus grande. A partir du moment où les choses restent fixes, c’est fini”. En 2009, il part chercher la Galice au Brésil, et publie Alborada do Brasil, fusionnant flûtes et gaïta avec le choro, la samba ou encore le forró nordestin. Passant par la Galice et le Portugal, les musiques, légendes et chansons ibériques ont traversé l’Atlantique avec les navigateurs.

Ce propos a séduit le Grupo Corpo, célèbre compagnie de danse brésilienne. Après les compositeurs Milton Nascimento, Tom Zé ou Caetano Veloso, Carlos Nuñez est accepté dans cette famille avant-gardiste. Il a habillé leur dernière création “de chansons médiévales. C’est un régal de travailler avec les Brésiliens. Ce sont des cultivateurs de la tradition de troubadours”. Nuñez leur présente les Chieftains. “Nous venons d’enregistrer un morceau brésilien, un lundu du XIVe siècle, avec Pablo Castanho, un musicien de São Paulo. Et on a joué avec des instruments à nous”, les Celtes transmondiaux.


Discover, 1 CD Sony.

Sur le Web : www.carlos-nunez.com.

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